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Conseil bioéthique Rédemptoriste

« L'homicide par compassion » menace les personnes vulnérables

Prairie Messenger,
Décembre 1995.
Mark Miller, C.Ss.R. Ph.D.

L'une des recommandations troublantes du rapport du Sénat sur l'euthanasie et le suicide assisté, publié au printemps dernier, était de recommander au Parlement d'envisager de créer « un délit distinct d'homicide par compassion… qui entraînerait une peine moins sévère » (qu'une peine d'emprisonnement à vie obligatoire). Cela signifierait que les distinctions actuelles concernant le meurtre d'un autre être humain — meurtre au premier ou au deuxième degré ou homicide involontaire — seraient élargies pour inclure ce que l'on appelle communément l'homicide par compassion. Un tel homicide est généralement défini comme le fait de mettre fin à la vie d'une personne pour des raisons de compassion face à des souffrances (insupportables).

Je ne peux m'empêcher de penser que cette recommandation est une réponse principalement au cas de Robert Latimer qui a mis fin à la vie de sa fille Tracy parce qu'il estimait que sa souffrance était trop grande. Bien sûr, il y a eu un certain nombre d'autres « homicides par compassion » qui ont été portés devant les tribunaux, généralement avec une certaine attention médiatique. Cependant, dans la plupart de ces cas, la condamnation n'a pas été prononcée pour meurtre, mais pour aide au suicide ou pour administration d'une substance nocive (par exemple, du chlorure de potassium qui, au moins dans un cas d'une personne sur le point de mourir, n'a pu être prouvé comme ayant tué le patient, même si du PCl n'aurait été administré pour aucune autre raison). La probation plutôt que la prison ont été la norme.

Les commentaires des juges dans certains de ces cas ont néanmoins été très instructifs. Un juge d'Edmonton a déclaré qu'un fils aidant sa mère à mourir était un acte d'amour! Bref, il semble y avoir une sympathie considérable dans notre société pour un type de meurtre fondé sur une notion très vague de compassion.

L'affaire Latimer, cependant, reste troublante parce qu'un homme présenté comme un père aimant a été condamné à la peine obligatoire de 25 ans de prison pour meurtre au deuxième degré (avec possibilité de libération conditionnelle seulement après 10 ans de prison). Il a lui-même prétendu qu'il mettait fin aux souffrances de sa fille. Un meurtre est un meurtre, dit la loi, avec son dévouement aveugle à la justice. Mais je ne peux m’empêcher de penser que quelque chose ne va pas dans notre système judiciaire alors que Karla Homolka n’a été condamnée qu’à 12 ans de prison parce qu’elle avait quelque chose à négocier.

Mais avons-nous besoin d’une catégorie spéciale pour l’euthanasie ? Quelle serait la peine appropriée pour M. Latimer ? Le juge qui prononce la peine devrait-il avoir plus de souplesse dans le cas d’une condamnation pour meurtre au deuxième degré ?

Les évêques canadiens, parmi beaucoup d’autres, ont réagi très vigoureusement contre l’ajout de la catégorie d’euthanasie au code criminel. Leurs arguments, j’ajouterais, sont éminemment raisonnables. Tout d’abord, il y a le risque d’abus. Les tueurs astucieux peuvent plaider que leurs actes étaient des actes de compassion, ou même les déguiser pour faire croire qu’ils l’étaient.

Deuxièmement, et plus important encore, l’euthanasie implique que quelqu’un souffre et que le meurtre était la « seule » option – du moins, la seule à laquelle le tueur pouvait penser ! Cela signifie qu’une évaluation subjective de la souffrance d’autrui fournit la justification d’une euthanasie. L’état du tueur – et cela peut couvrir l’hystérie émotionnelle, l’épuisement ou l’impatience – justifie les actes, plutôt que le sérieux avec lequel d’autres options (comme un bon contrôle de la douleur) ont été explorées.

Et troisièmement, la vie des plus vulnérables devient soudainement plus vulnérable. Si vous êtes handicapé, souffrez, êtes proche de la mort, déprimé, votre vie n’est pas aussi sûre que celle de n’importe quel autre citoyen. Et vos proches n’ont peut-être besoin que d’une ouverture juridique pour rendre respectable une option douloureuse.

L’euthanasie en tant que catégorie juridique est une boîte de Pandore qui peut non seulement ouvrir des portes aux personnes sans scrupules, mais qui remet sérieusement en question la valeur des vies humaines vulnérables.

Alors, où se situe M. Latimer dans tout cela ? J’avoue que ma grande sympathie pour cet homme et sa situation difficile – car je pense que la société a une part de responsabilité dans la situation dans laquelle se trouvait M. Latimer, mais c’est un autre sujet qui fera l’objet d’un autre article – a été tempérée par les commentaires d’un certain nombre d’organisations de défense des personnes handicapées et par la voix d’une personne en fauteuil roulant qui a simplement déclaré : « M. Latimer a eu ce qu’il méritait. » Il n’y avait aucune joie ni satisfaction dans cette voix. Il y avait l’évaluation réaliste que M. Latimer avait non seulement mis fin à la vie de Tracy sans sa demande, mais qu’il avait rendu la vie de tous les handicapés d’autant plus dépendante du raisonnement des autres.

Aucun d’entre nous ne peut juger le cœur de M. Latimer. Aucun d’entre nous n’a été à sa place. Mais notre loi doit nous protéger tous, et en particulier les plus vulnérables, sinon nous commencerons le processus subtil qui consiste à établir des distinctions entre les êtres humains, ce qui signifie que certains sont moins égaux que d’autres.

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